mardi 20 novembre 2012

Quartier Western


4ème de couv' : Dans l'île de La Réunion des années 1970 on boit du " Solpak ", on fait ses courses chez le "Chinois" ou le " Zarab " du coin et on se déplace en 404 bâchée. Les enfants catholiques sont soumis à une éducation religieuse stricte et Ti-Quatorze déambule avec son baluchon dans les rues de Saint-Denis. Les jeunes filles rêvent sur les romans photos et les garçons imaginent "sauter" la mer pour faire fortune en France métroplitaine. Bref, rien de bien excitant sous les cocotiers. Mais quand Tehem mélange tout ça, l'auteur de Tiburce, héros emblématique de la BD réunionnaise, nous offre un haletant road movie avec du suspense, du sang, du sexe et du soleil bien sûr. Pour public bédéphile averti !!!

Mon Avis : Le dessin faussement naïf pourrait faire croire que l'on a à faire à une BD gentillette, avec des animaux humanisés... mais il n'en est rien ! Quartier Western, c'est la vie à la Réunion dans les quartiers populaires au milieu des années 70 avec son lot de rhum, de pauvreté, ses relations caliente, et celles qui se règlent à coup de machette ou de flingue... La construction bien ficelée nous met en présence de tous les protagonistes pour nous faire découvrir ensuite les raisons de leur présence à la boutik shinoi... On y vend de tout : de la nourriture, du rhum, de l'espoir et de la sagesse. J'ai bien retrouvé l'ambiance de la boutik, toujours en vigueur aujourd'hui, dans une moindre mesure (heureusement). Les personnages sont hauts en couleur, mais ils n'ont rien d'angélique. Chacun essaye d'échapper à ses démons sans y parvenir, qu'ils soient réels ou non. Le tout pimenté à la sauce créole. Bref, un moment hilarant, parfois grinçant, mais toujours juste, sur une société en plein mutation qui donnera la Réunion d'aujourd'hui. Le trait est incisif et le choix des animaux apporte de la rondeur aux passages les plus terribles. C'est indéniablement ce qui fait le charme de cette bande dessinée, qui, à la manière des fables, et par le truchement des animaux, sait à la fois nous instruire et nous séduire, nous terrifier et nous amuser.

dimanche 18 novembre 2012

La Grippe Coloniale (Tomes 1 et 2)


4ème de couv' : En mars 1919, les derniers soldats de la Grande Guerre rentrent à la Réunion où ils sont accueillis en héros. Mais le retour dans la vieille colonie n'est pas aussi joyeux qu'on peut l'espérer : les soldats ont changé durant la guerre, ils sont infirmes, révoltés, désabusés, et portent un regard amer sur une île qui a évolué sans eux. Evariste Hoarau et quelques autres démobilisés essaient tant bien que mal de retrouver une place dans une société où les tensions sociales et raciales sont vives, tandis qu'un mal foudroyant frappe la colonie : la grippe espagnole emmenée par le navire des soldats...La Grippe Coloniale est une nouvelle série saisissante de la collection Equinoxe, associant les qualités d'être à la fois humoristique et tragique, drôle et sombre.

Mon avis : Un grand merci à ma voisine pour m'avoir fait découvrir cette BD ! Nos 4 héros reviennent de la guerre, la grande, la der des ders... Ils vont retrouver leur chère île, la Réunion. Mais si la guerre n'est pas allée jusque là, le monde a changé. Et la grippe espagnole va précipiter encore ce bouleversement sociétal : blancs, noirs, métisses, aucun n'échappera à ce fléau. Si cela annonçait une société nouvelle, fondée sur davantage d'égalité ? Les auteurs, à l'égalité, ils n'y croient guère, mais à la fraternité, oui : celles d'hommes simples que leur statut social sépare, mais réunis dans une même souffrance. Il y a tout ce que j'aime : un trait incisif, pas parfait, mais qui fait à merveille ressortir les individualités, les failles et les fêlures des personnages, de l'humour, un grand humanisme, une réflexion profonde, une plongée dans la grande et la petite histoire. Bref, cette série est vraiment une réussite...

samedi 17 novembre 2012

Soudain, dans la forêt profonde


4ème de couv': Un village au bout du monde, triste et gris, encerclé par d'épaisses forêts. Un village maudit : toutes les bêtes, tous les oiseaux et même les poissons de la rivière l'ont déserté. Deux enfants, Matti et Maya, décident d'élucider le mystère et s'aventurent dans la forêt en dépit de l'interdit...

Mon avis : Le village de Matti et Maya est morne est triste : tous les animaux l'ont déserté. Plus un seul ne coure, galope, rampe ou vole aux alentours... Et plus un seul adulte du village n'accepte d'avouer qu'ils ont pu exister. Ils sont dans le déni le plus total, et quiconque a le malheur d'y croire est stigmatisé. Pourtant, les deux héros ne se résignent pas : ils veulent savoir ce qui s'est passé, ils veulent y croire. Ce joli conte avait tout pour me plaire : le thème, le titre, les illustrations, que je trouve somptueuse. Mais je n'ai guère été transportée par cette histoire simple, à l'écriture simpliste. Un conte, donc, avec sa part de merveilleux et d'enseignement. Une jolie histoire en faveur de la tolérance, contre les mesquineries du quotidien et le jugement hâtif., une lecture facile et accessible au plus jeune, agréable, mais c'est tout... Dommage... J'aurais aimé aimer davantage.

mercredi 14 novembre 2012

Le magasin des suicides


4ème de couv' : Vous avez raté votre vie ? Avec nous, vous réussirez votre mort !
Imaginez un magasin où l'on vend depuis dix générations tous les ingrédients possibles pour se suicider. Cette petite entreprise familiale prospère dans la tristesse et l'humeur sombre jusqu'au jour abominable où surgit un adversaire impitoyable : la joie de vivre...

Mon Avis :  L'idée de départ est alléchante, et autour de moi, à une certaine époque, tout le monde lisait ce petit roman irrévérencieux. Et j'avais justement besoin d'une petite chose acidulée. Mais bon. Si le thème est sympathique (un magasin qui vous aide à réussir votre suicide en vendant des articles en tous genres : cordes pour les pendus, poisons à renifler, à ingurgiter, et tout un arsenal adapté aux goûts et aspirations de chacun des désespérés qui pousse la porte de la boutique), l'écriture enlevée, c'est un peu trop léger tout de même. L'écriture est agréable, mais a quelque chose d'inabouti. On se régale au départ des trouvailles de Mishima et Lucrèce (ils se sont bien trouvés, ces ceux là !), et puis, c'est moins savoureux, plus convenu, un peu couru d'avance. La zizanie provoquée par le petit dernier, rayon de soleil dans cette famille Adams hyper spécialisée est vraiment prévisible. Le frisson s'éteint doucement. Comme le bocal de bonbons dont un sur deux est empoisonné du magasin, pour laisser une chance aux enfants... Quand on sait qu'ils n'ont été remplacés que par des bonbons sains, ce n'est plus le même plaisir d'en manger. J'ai un peu ressenti cela, à la lecture... Et la fin ne me satisfait pas du tout, comme s'il avait fallu justifier que tout cela soit cousu de fil blanc par un retournement de situation, pour ne pas dire une chute, qui validerait l'ensemble comme pour dire : "vous voyez que tout cela avait un but et qu'il y a un enseignement à chercher là-dessous". Je préférais finalement goûter mes bonbons pour leur saveur sucrée, sans poison, certes, mais dans la douceur...

samedi 10 novembre 2012

L'Avant dernière chance


4ème de couv' : A Londres, lors du tournage d'une fiction pour la télévision, Adèle, une jeune stagiaire française, reçoit un texto totalement inattendu et absolument irréel : son grand-père, mort quelques jours auparavant, lui souhaite un joyeux anniversaire... Adèle se remémore alors les événements de ce dernier mois. Son papy, Georges, quatre-vingt-trois ans, les pieds plantés dans son potager, enraciné dans sa bonne vieille terre du Poitou, a subitement décidé de partir pour un tour de France avec son voisin et ami Charles, soixante-seize ans. Sa petite-fille a découvert leur projet et, inquiète pour la santé de son aïeul, lui a fait promettre de lui envoyer des nouvelles tous les jours par texto. Commence alors une drôle de correspondance, tendre et complice, entre le grand-père et sa petite-fille, qui ne se sont pas vus depuis dix ans. Ce beau récit, touchant et juste, mêle à la gouaille des dialogues l'émotion de sentiments qui peinent à se révéler. 

Mon Avis : Quand j'ai commencé ce roman, je me suis dit... "Ah, mouais... c'est facile et léger, ça manque un peu de densité...". En réalité, je trouvais cela TROP facile et TROP léger... La petite stagiaire à Londres, le tournage du film. Je n'étais pas plus emballée que cela. Puis on glisse dans l'univers de son grand-père, Georges, de son refus de vieillir (croit-on, au départ), de cette dernière chance qu'il s'accorde avec cette idée loufoque de Tour de France en voiture. Et le récit prend une autre tournure. Acquiert un côté truculent, joyeux, optimiste... On ne quitte plus Georges et les aventures douces-amères de nos deux papys deviennent savoureuses et émouvantes, interrogent sur la rapport à la vieillesse et à nos propres anciens, sur le temps que l'on laisse filer. Alors, oui, la lecture est facile... mais elle est aussi tout en nuances et en émotions non dites, elle est touchante et réveille en nous des parts de notre enfance si nous avons eu la chance, comme Adèle, d'avoir des relations heureuses et épanouies avec nos grands-parents. Et à l'achèvement de ce roman très doux, je révise mon jugement, puisque j'ai ri et pleuré : ce n'est pas une lecture facile. C'est une lecture toute simple, simple et juste qui ne vous laissera pas indifférents.

vendredi 9 novembre 2012

Gueule d'amour


4ème de couv' : Si la guerre me rappelait tous les jours qu'elle m'avait épargné, la moindre des politesses, c'était de ne pas me foutre de sa gueule, vu qu'elle s'était déjà payé la mienne.

Mon Avis : Toujours sur la thématique des Gueules cassées de 14-18 que j'explore en ce moment, une BD particulièrement poignante et émouvante sur le sujet du retour à la vie "normale". Comment revenir en acceptant son nouveau visage, comment se faire accepter par l'autre, qu'il soit un inconnu ou sa propre femme ? Mais il n'y a aucun misérabilisme dans cet album... La force du trait apporte beaucoup de vitalité à ce sujet pourtant difficile à traiter. Il y a un côté truculent, une force vitale qui se détache de l'intrigue, un appétit d'exister et d'être reconnu... et en même temps, le choix du noir et blanc, du dessin au critérium apporte aussi une dose de noirceur et de cynisme. Une vraie réussite graphique !

Pour un peu de bonheur, T1 : Félix


4ème de couv' : Printemps 1919. Quelques mois après l'Armistice, Félix Castelan, un "poilu", revient dans son village natal. Mais il n'est plus le même homme : un obus allemand lui a emporté la moitié du visage. À cette blessure physique s'ajoute une blessure psychologique. Regardé comme une bête curieuse par certains, Félix comprend qu'il aura du mal à retrouver sa place parmi les siens, entre une femme infidèle et un fils qui se souvient à peine de lui. Au même moment, une série de meurtres mystérieux met le village en émoi. Un policier, lui aussi ancien blessé de guerre, arrive de Paris pour mener l'enquête.

Mon Avis : Je ne suis pas experte en BD, mais en ce moment, je lis beaucoup de choses sur cette thématique des gueules cassées de la première guerre mondiale... Sans misérabilisme, avec un trait un peu classique, à l'image de l'intrigue, le duo Laurent Galandon / A.Dan réussit un récit tout en nuances, et qui parvient selon moi le tour de force de parler d'un sujet dur, grave sans tomber dans le pathos. On sent le héros perdu, la gêne autour de lui, la complexité de ce retour au village natal. Beaucoup de sensibilité, donc, pour un récit sans grandes surprises pour l'instant, mais qui m'a plu par son réalisme emprunt de retenue. Un bémol car j'ai trouvé le récit bien court... J'attends la suite avec impatience !

mercredi 7 novembre 2012

La Porte des Mondes


4ème de couv' : La Porte des mondes est un roman initiatique qui plaira aux adolescents. L'événement fondateur - le point de rupture avec l'histoire telle que nous la connaissons - est loin d'être anecdotique. Si le monde de 1980 imaginé par Silverberg est si différent du nôtre, c'est que la peste noire a tellement dépeuplé l'Europe que l'Empire aztèque domine les Amériques tandis que l'Empire turc règne sur le vieux continent. La Porte des mondes ne brosse cependant pas un monde idéal, où règne l'harmonie : la lutte pour la domination fait aussi rage et le jeune héros devra choisir entre le pouvoir et l'amour.

Mon avis : Je ne sais pas qui est l'illustrateur mal embouché, ou l'éditeur pas réveillé qui a choisi cette image pour illustrer La Porte des Mondes, mais je pense sincèrement qu'il ne l'a pas lu ! Rien à voir avec des créatures d'un autre monde, rien à voir avec la Science Fiction : nous sommes dans une uchronie légère et distrayante : la grande peste noire a décimé l'Europe, l'affaiblissant au profit des Aztèques, des Incas, des Turcs et des Russes qui sont les nations dominantes du monde de Dan Beauchamp, le personnage, jeune anglais fougueux en quête de gloire et de reconnaissance... Il quitte son Angleterre natale pour les Héspérides, ainsi qu'on nomme les Amériques dans cet univers décalé, cherchant l'aventure, et avide de pouvoir ; il y fera des rencontres, s'interrogera sur le destin de chacun, nouera des amitiés qui vont l'entraîner de pays en pays, loin de chez lui... Un lecture divertissante, un court récit plein de rebondissements ; la découverte de cet univers "parallèle" au nôtre est agréable et facile, peut-être à peine trop, même. Je n'ai pas ressenti d'enthousiasme particulier, mais j'ai passé un bon moment de lecture.